Cellou Dallein Diallo, c’est Mr un peu plus de 45% au regard de son score réalisé à la présidentielle de 2011 en Guinée. Voir le sacre si près, caresser l’espoir de devenir président de la République, pour finir par déchanter et se complaindre dans une telle désillusion n’est certainement pas chose aisée. Seule une grande force de caractère pourrait à la lumière des événements vécus, permettre un sursaut et au-delà un retour au premier plan. C’est arrivé et Cellou Dallein Diallo en remet une couche et continue de sillonner la Guinée et au-delà. Présent à Dakar, il s’en est ouvert à Rewmi. Com. Entretien !
Rewmi. Com/ Président, le Sénégal a affronté l’Angola à Conakry, avez-vous regardé la rencontre ?
Cellou Dallein Diallo : Je n’ai pas pu suivre la rencontre en tant que tel mais j’ai vu que les Guinéens étaient déterminés à accueillir dans la chaleur et l’enthousiasme, l’équipe du Sénégal. Ils sont très liés aux Sénégalais de par la géographie, la culture, le sang, l’histoire…On espérait une victoire du Sénégal car ce serait également celle de la Guinée.
Et pourtant, il y a avait des risques de délocalisation du fait de la situation politique tendue en Guinée ?
Les jeunes guinéens aiment le football, ils étaient tous disposés à favoriser la tenue de la rencontre et nous, en tant que responsables, nous avions le devoir de les dissuader surtout la jeunesse de mon parti car ils accueillent le Sénégal et l’Angola.
Justement, vous vous trouvez dans cet hôtel, c’est de là qu’est partie, la tentative de coup d’Etat fomentée contre le président Alpha Condé ?
J’avais réagi à l’époque même si je n’étais pas nommément accusé, 3 de mes collaborateurs et amis ont été arrêtés, il s’agit d’Amadou Oury Diallo dit Sarakadji, Tibou Camara et Ba Oury. Ils sont mes amis et les accusations portées contre eux, participent de la volonté des autorités de nous affaiblir et d’atteindre le président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée que je suis. Ils ont voulu impliquer dans ce « fameux complot » les autorités sénégalaises et gambiennes. Quant aux accusés, ils ont été torturés, violentés pour nous faire porter la responsabilité de la tentative de coup d’état.
Ces accusations sont sans fondements, c’est de la politique politicienne car il fallait trouver un bouc émissaire et ils ont choisi les cadres de mon parti en mettant la main sur eux.
Depuis la présidentielle, le peuple guinéen attend toujours la tenue des législatives ?
La volonté politique n’existe pas et les autorités pensent pouvoir venir à bout de l’opposition, au contraire, l’opposition s’est renforcée. Le président Alpha Condé a refusé d’organiser les élections législatives depuis mars 2011 comme du reste, l’avaient recommandé les partenaires techniques et financiers. En attendant, le pouvoir tente de démolir l’opposition pour les gagner haut la main.
Est-ce que le « coup » de la présidentielle est digérée ?
La victoire du président Condé est très suspecte. La victoire m’a été enlevée par la hiérarchie militaire, les organes en place…et si c’était à refaire, j’aurais refusé car il n’a pas été à la hauteur de la tâche qui l’attendait. S’il avait instauré la démocratie, la bonne gouvernance, le respect des libertés, l’état de droit ; des valeurs qui me sont chères, je n’allais pas le regretter. On a accepté les résultats en mettant en avant son passé de 50 années d’opposition, d’exil…Une fois installé, il n’a pas su défendre les valeurs de la République qui nous sont chères. Je suis donc déçu car aucun acte n’a été posé donc, aucun impact sur la situation du pays.
Alpha Condé disait qu’il avait hérité d’un pays mais pas d’un Etat ?
Il critique ce qui a été fait avant lui. Le changement promis n’est pas là, il ne respecte pas les règles de la République, le gré à gré est le principe, la bonne gouvernance n’existe pas, les investisseurs sont découragés, les cas de violations des droits de l’homme fréquentes. La preuve, 23 de mes militants ont été assassinés par les forces de l’ordre. En termes de droits de l’homme, la Guinée a reculé et en démocratie, le pays n’arrive pas à organiser ces élections. Le prétexte est aussi la question relative à la gestion du fichier. De plus, toutes les collectivités locales détenues par l’opposition sont placées sous délégation spéciale. En outre, Alpha Condé gère les mines du pays en compagnie de son fils dans la plus grande opacité.
L’opposition est t-elle prête si oui à gouverner le pays sur la base d’un programme commun?
Pour l’instant, il n’y a pas de programme commun, mais tout juste une alliance pour exiger la tenue d’élections libres, indépendantes et démocratiques. L’opérateur du fichier doit garantir la transparence. Nous n’avons donc pas d’alliances électorales. Nous nous sommes retrouvés autour de l’Alliance pour la Démocratie et le Progrès, le Collectif des partis politiques pour la finalisation de la transition, le Club des Républicains.
S’il n’y avait pas ce second tour, vous seriez à la tête du pays ?
C’était possible que je l’emporte dès le premier tour si on n’avait pas annulé certains bureaux de vote, j’aurais pu gagner avec plus de 53%.
Comment diriger un pays sans parlement élu, donc dénué de toute légitimité populaire ?
Il y le Conseil National de Transition qui était en place depuis les accords de Ouagadougou. Il joue le rôle de parlement en attendant la mise en place d’une assemblée nationale. Le Président Alpha Condé n’est pas pressé car il avait dit qu’il ne donnerait que 6 mois à l’opposition pour la démanteler. Ceux qui l’avaient soutenu, l’ont quitté Lansana Kouyaté, Kayfari Fofana…Ceux là, le combattent et ils nous ont rejoint dans l’opposition.
Actuellement, dans le pays, les compagnies minières ont plié bagages du fait de l’opacité de l’absence de visibilité, il n’y a pas de régime fiscal stable et de grands groupes ont fini de quitter le pays à savoir BSGR, Valley…Il y a une remise en cause permanente des contrats, les opérateurs économiques sont harcelés, le climat des affaires ne rassure pas. Bref, il faut avoir des relations avec le fils Condé ou la famille pour avoir sa part du gâteau. Ils ne veulent pas travailler dans la transparence.
Et que proposez- vous au peuple guinéen ?
Nous avons des valeurs et nous sommes victimes d’exactions. 23 de nos militants ont été assassinés dans leur propre domicile car ils habitaient dans des quartiers connus comme étant des fiefs de l’opposition sur la base de leur appartenance à l’ethnie peulhe. Cela crée des tensions, la justice refuse recevoir les plaintes des parents des victimes. Sans dialogue préalable, le Ceni ne pourra pas travailler avec étant à la botte du président. Le choix de l’opérateur devant travailler sur le fichier s’est fait sans appels d’offres.
Le régime actuel continue de violer la loi, de pratiquer l’exclusion et les populations ont pris conscience de la situation en s’illustrant dans le non respect des règles démocratiques.
Qu’allez vous faire de vos 44% obtenus lors de la présidentielle ?
On doit se mettre d’accord entre les opposants pour imposer nos décisions prises en toute légalité. Nous allons manifester, organiser des marches. On a détruit les commerces détenus par les commerçants peulhs, bref, il a réussi à mettre tout le monde contre lui.
Sur le plan international, le dialogue est partout recommandé et pour notre part, nous n’accepterons plus les dérives de ce régime.
Et sur le plan macroéconomique, comment va le pays ?
La pauvreté s’est installée de façon durable, le pouvoir d’achat s’est détérioré et les destructions d’emplois nombreuses. Des grandes entreprises ont fermé, c’est le cas de Grands moulins de Guinée, la Sotelgui…Il y a une discrimination à l’endroit des opérateurs économiques, la précarité s’est installée, l’insécurité s’est aggravée et la répression s’est accentuée ainsi que les exactions. La misère continue à se faire voir et les gens n’arrivent plus à manger à leur faim. Des citoyens sont venus nous rejoindre dans les manifestations car l’électricité fait défaut, tout comme l’eau. Certains ne mangent que 2 repas par jour. Le secteur minier est géré de manière clanique par le fils du président.
La Guinée reste toujours, ce scandale géologique ?
C’est le manque de vision des dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays qui n’ont pas mis en œuvre les conditions d’une émergence économique. La politique menée par l’ancien président de la Côte d’Ivoire, Houphouët Boigny, a installé la confiance et a permis à ce pays de se développer à pas de géants. Tout autre aura était la Guinée qui s’était enfermée sur elle-même dans une révolution socialiste pure et dure en restreignant les libertés, en choisissant ses propres cadres. Il n’y avait pas de liberté politique et économique.
Vous semblez détenir la recette miracle ?
Pour cela, il faudrait restaurer l’Etat de droit car les lois doivent être respectées, rassurer les investisseurs, donner de l’espoir aux citoyens et aux entreprises, mettre en place un état neutre et impartial pour créer une saine émulation et la justice serait le recours en cas de non respect des règles.
Que devient le capitaine Moussa Dadis Camara ?
C’était douloureux, je suis sorti du stade du 28 septembre dans des conditions terribles ; bref, on ne progresse pas en termes de gouvernance.
Enfin, la question de l’arrimage de la Guinée au Franc cfa est devenue une nécessité dans le cadre de l’intégration africaine ?
C’est un facteur d’intégration des pays africains car nous dépendons du même marché financier. Nous devons élargir l’Uemoa quitte à faire des aménagements dans la zone Franc. Actuellement, la Zone Franc, s’est émancipée de la France, il faudrait penser à intégrer des pays comme le Libéria, le Nigéria, la Sierra Leone et la Guinée.
source: rewmi