Quatre ans après sa défaite à l’élection présidentielle américaine face à Joe Biden, Donald Trump a de nouveau réussi à gagner cette élection, devenant le 47e président des États-Unis. Cet homme d’affaires adepte des gros coups, un temps considéré comme un simple « feu de paille » médiatique, a su résister à tous les vents, toutes les polémiques et tous les scandales. Portrait.
À 78 ans, l’homme d’affaires Donald Trump a réalisé, mardi 5 novembre, ‘un des plus grands come-back de l’histoire politique mondiale en battant sa rivale démocrate Kamala Harris lors de l’élection présidentielle américaine.
Faire des gros coups, voilà ce qui anime le businessman depuis le plus jeune âge. Quatrième enfant d’une fratrie de cinq, Donald Trump a grandi à New York, dans le quartier du Queens, où son père, Fred C. Trump, mène de florissantes affaires dans l’immobilier. L’impétueux Donald entend bien suivre sa voie mais, sans doute dans l’espoir de dompter son esprit un brin rebelle, ses parents l’envoient d’abord à l’académie militaire de New York. Réformé à plusieurs reprises, il échappe toutefois à l’armée et, partant, à la guerre du Vietnam qui fait rage alors.
Ce n’est qu’une fois diplômé, en 1968, de la prestigieuse Wharton School – l’école de Finance de l’université de Pennsylvanie –, qu’il rejoint l’entreprise paternelle et Manhattan, où il concentre ses activités. Au fil des ans, le fils Trump se fait remarquer par le caractère pharaonique de ses projets. En 1984, son ambition dévorante atteint son apogée avec l’édification à New York, sur la mythique 5e Avenue, des 68 étages d’une tour portant son nom : la Trump Tower (où il réside encore actuellement).
Un ego plus gros que sa fortune ?
Malgré ce clinquant symbole de réussite, nombre d’observateurs se demandent aujourd’hui si Donald Trump est bel et bien ce géant du business qu’il prétend être. « Les autres milliardaires de New York le méprisent, le trouvent détestable, grossier. Ils savent qu’il ment et qu’il a fait faillite plusieurs fois. Plus aucune banque de la place ne lui prête de l’argent », avait affirmé à l’hebdomadaire français L’Express, le sociologue Todd Gitlin.
L’intéressé a admis avoir commencé sa carrière grâce à un prêt d’un « petit” million de dollars contracté auprès de son père. Il a en outre essuyé quatre banqueroutes et plusieurs revers commerciaux qui ont écorné son image de marque. Mais qu’importe, lui se présente toujours comme un bâtisseur de fortune. « La plupart des affaires que j’ai conclues, je les dois à mon ego », confiait-il en 1995 au New York Times dans un entretien intitulé « Ce que mon ego veut, mon ego l’obtient ».
C’est peu de dire que l’ambition (ou l’ego) de Trump ne connaît pas de limites. Via sa holding The Trump Organization, l’homme s’est essayé à tout ou presque : tourisme et l’hôtellerie de luxe, les casinos et les terrains de golf, les compagnies aériennes et les concours de Miss.
Début 2021, le magazine Forbes estimait que la fortune de Donald Trump s’élevait à 2,4 milliards de dollars, dont 1,4 milliard de dollars grâce à des biens commerciaux traditionnels (la majeure partie des revenus générés par ces biens est concentrée à New York).
Aujourd’hui, Donald Trump revient dans le classement Forbes 400 avec une fortune nette estimée à 4,3 milliards de dollars, dont la majeure partie provient de son entreprise de réseaux sociaux, qui a été introduite en bourse en mars. « L’immobilier commercial new-yorkais ne représente plus que 600 millions de dollars. En moins de quatre ans, l’ancien président américain a fait fructifier et a complètement transformé une fortune qu’il avait bâtie en 40 ans », souligne le magazine américain.
« Qu’est-ce que Donald Trump vend vraiment ? », se demande Forbes. « Lui-même », répond le magazine. « Il le fait depuis des décennies, comme trentenaire menant la grande vie à la Trump Tower, comme quadragénaire dépensant sans compter à Atlantic City, comme quinquagénaire dominant une salle de conférence à la télévision, comme sexagénaire prenant d’assaut la politique et, aujourd’hui, comme septuagénaire cherchant prendre sa revanche. À travers les hauts et les bas, une chose reste constante : il gagne la confiance des gens qui ne l’analysent pas de trop près, puis encaisse », résume le magazine.
La Trump organization
L’omniprésence de Donald Trump dans l’espace médiatique ne date pas de son arrivée fracassante dans l’arène politique. Avant de se porter candidat à la Maison Blanche en 2015, le milliardaire occupait depuis 2004 le petit écran en tant qu’animateur d’une émission de télé-réalité, « The Apprentice », dans laquelle il mettait à l’épreuve de jeunes gens désireux d’intégrer sa holding. La phrase « You’re fired ! » (« Tu es viré ! ») qu’il lançait alors aux candidats malheureux est, depuis, entré dans la culture populaire américaine.
Aujourd’hui, c’est sa famille recomposée qu’il expose allègrement au regard des caméras. Alors que son actuelle et troisième épouse, Melania, un ancien mannequin slovène de vingt-quatre ans sa cadette, se fait plus discrète et n’hésite pas à défendre le droit à l’avortement à rebours de son mari, il met en avant le reste de sa fratrie. Père de cinq enfants et grand-père de sept petits-enfants, Donald Trump a propulsé certains d’entre eux au sein The Trump Organization.
Son fils aîné Donald Trump, Jr. est le président exécutif, tandis que son frère Eric est devenu vice-président exécutif. Leur sœur Ivanka a quitté quand à elle la direction du groupe après la nomination de son mari Jared Kushner au poste de haut conseiller de Donald Trump lors de son premier mandat. Elle est même devenue conseillère de son père à la Maison blanche.
Petite main de longue date des campagnes électorales de Donald Trump, Lara Trump, sa belle-fille et femme d’Eric, a été propulsée en mars co-présidente du Comité national républicain et dispose désormais de l’oreille du candidat à la présidentielle. Certains observateurs lui voient même un avenir à Washington.
« Le meilleur président que Dieu n’ait encore jamais créé »
Sur le plan de la politique comme sur celui des affaires, Donald Trump s’est essayé à presque tout, adaptant ses convictions à ses propres intérêts. On l’a connu démocrate, puis indépendant. Autrefois flexible sur les questions de l’avortement et du contrôle des armes à feu, il a durci son discours afin d’incarner la ligne radicale du Parti républicain.
Ce virage à droite, Donald Trump l’a entamé au début de la présidence Barack Obama. Reprenant une antienne de l’extrême-droite américaine qui voudrait que le nouveau locataire de la Maison Blanche soit un Kényan musulman, l’homme d’affaires met en doute le fait que le chef de l’État soit né, comme il l’affirme, à Hawaï. En 2013, celui qui est devenu le fer de lance du mouvement appelé « birther » publie alors un tweet aux allures complotistes : « Bizarre, le responsable du département Santé chargé de vérifier le ‘certificat de naissance’ d’Obama est mort dans un crash d’avion. Tous les autres ont survécu. »
Conscient que ses sorties à l’emporte-pièce lui attirent les faveurs d’un électorat méfiant des élites, Donald Trump multiplie les outrances. En juin 2015, alors qu’il vient de se déclarer candidat à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2016, il assure devant la Trump Tower : « Je serai le meilleur président que Dieu ait jamais créé ». Voilà pour lui.
Lorsqu’il s’agit d’évoquer ses adversaires, Trump fait davantage preuve de mépris. L’ancien candidat à la Maison Blanche John McCain, qui ne l’appréciait guère, en a fait les frais. De cette figure respectée du Parti républicain – en raison, notamment, de ses états de service durant la guerre du Vietnam où il fut prisonnier –, le businessman dit, en juillet 2015, qu’il « n’est pas un héros de guerre. Ce n’est pas un héros de guerre parce qu’il s’est fait capturer. J’aime les gens qui ne se font pas capturer ». Un mois plus tard, il s’en prend à une journaliste de Fox News, établissant un lien entre sa supposée agressivité et ses menstruations. Depuis, on ne compte plus les attaques ad hominem lancées quasi quotidiennement par Donald Trump, souvent via Twitter.
Un premier mandat surprise
Malgré ces polémiques à répétition, Donald Trump a réussi à déjouer les sondages en 2015 pour réussir à se faire élire à la Maison Blanche. Alors que la plupart des observateurs étaient catégoriques, ou presque, annonçant la victoire d’Hillary Clinton, c’est bien son adversaire républicain qui l’a emporté avec une large avance.
Durant les quatre ans de sa présidence, Donald Trump n’a cessé de bousculer les codes établis. Au cours de son mandat saturé de scandales, le septuagénaire a tiré à boulets rouges sur ses adversaires, attaquant juges, élus et fonctionnaires, et alimentant les tensions raciales. Au-delà des frontières, il a rudoyé les alliés des États-Unis, faisant preuve d’une troublante fascination pour les dirigeants autoritaires, de Vladimir Poutine à Kim Jong-un, et donnant un brutal coup de frein à la mobilisation sur le climat.
Candidat à sa réélection, Donald Trump est battu en novembre 2020 par le candidat démocrate Joe Biden. Lors de sa première prise de parole, il accuse les démocrates d’utiliser des « votes illégaux » pour « voler » la victoire, sans apporter de preuves. Depuis, il n’a jamais reconnu sa défaite à la présidentielle de 2020, après laquelle ses partisans avaient pris d’assaut le Capitole le 6 janvier 2021, dans le but d’empêcher le Congrès de certifier la victoire électorale de Joe Biden.
D’une polémique à l’autre
Donald Trump, qui a quitté la Maison Blanche en 2021 dans un contexte chaotique, ayant réchappé à deux procédures de destitution, a rejoué au cours de la dernière campagne la même partition qu’en 2016 et 2020, se présentant comme un candidat antisystème.
A travers son programme politique, le magnat new-yorkais se distingue par sa démesure. Il a fait de la question de la frontière son « sujet numéro 1 ». Le républicain, qui avait fait campagne en 2016 en promettant de construire un mur le long de la frontière mexicaine, est allé beaucoup plus loin cette fois-ci promettant la plus grosse opération d’expulsion de migrants clandestins de l’histoire des Etats-Unis.  « Une invasion », « des hordes », « ils empoisonnent le sang de l’Amérique »: sa rhétorique xénophobe et déshumanisante sur les migrants revient en boucle dans ses discours.
L’homme d’affaires est aussi un habitué des propos et des comportements sexistes. Ce sont d’ailleurs des accusations qui avait chanceler la campagne du milliardaire face à Hillary Clinton. Le Washington Post avait publié une vidéo datant de 2005 dans laquelle le candidat républicain tenait des propos particulièrement vulgaires à l’égard des femmes. De nombreux ténors du Parti républicain, choqués, s’étaient désolidarisé officiellement de leur candidat. Face à la bronca, l’intéressé avait été contraint de présenter des excuses.
Plusieurs poursuites judiciaires ont depuis été portées à son encontre. En mars 2023, Trump a été inculpé par un grand jury pour avoir d’avoir imputé à des dépenses juridiques une somme de 130 000 dollars versée à l’actrice de films X Stormy Daniels pour la faire taire sur la relation extra-conjugale qu’il aurait eue avec elle en 2006. Le 30 mai 2024, il a été déclaré coupable à l’unanimité des 12 jurés des 34 délits de falsification de documents comptables. Après avoir été repoussée une première fois au 18 septembre, le juge Juan Merchan a décidé de reporter l’annonce de la peine au 26 novembre 2024, après les élections présidentielles américaines. En mai 2023, Donald Trump a aussi été condamné par un tribunal de Manhattan à verser 5 millions de dollars à E. Jean Caroll, qui l’accusait de viol en 2019 et de diffamation. Le jury a ensuite requalifié le crime d’agression sexuelle.
En ce qui concerne les sujets de société et notamment l’avortement, Donald Trump louvoie sur cette question. Il se dit fier d’avoir remis entre les mains des Etats cette question grâce à la décision de la Cour suprême qui a révoqué en juin 2022 l’arrêt Roe v. Wade, mais a déclaré que certains « étaient allés trop loin ». Il a promis que son administration serait « formidable pour les femmes » mais certains craignent, après des propos ambigus de sa part, qu’il utilise son pouvoir présidentiel pour limiter l’accès aux médicaments utilisés dans les avortements médicamenteux.
Kama Harris n’a pas hésité à dépeindre son rival en dictateur « fasciste » en puissance et en danger pour les droits des femmes. Malgré ce portrait peu reluisant et ces frasques, la méthode Trump continue de porter ses fruits. Seul président américain à avoir été visé par deux procédures de destitution (« impeachment »), Donald Trump est devenu devenir le premier depuis plus d’un siècle à remporter deux mandats non-successifs. Un retour d’autant plus extraordinaire que sa troisième campagne a été marquée par deux tentatives d’assassinat, quatre inculpations et une condamnation au pénal. Un nouveau séisme politique.
Avec AFP et Reuters